vendredi, mars 03, 2006

CHRISTINE SPENGLER
UNE FEMME DANS LA GUERRE
1970- 2005
aux Éditions Des femmes-Antoinette Fouque



Présentation de l'auteure :

Née en Alsace, Christine Spengler est élevée à Madrid après le divorce de ses parents. Au Prado, où sa tante Marcelle l’emmène deux fois par semaine, elle développe son sens de la composition, du cadrage, préférant déjà Goya à Vélazquez. A l’âge de sept ans, son oncle Louis l’initie à la corrida, sans savoir que les arènes de son enfance la conduiront plus tard dans les arènes sanglantes de la guerre. Souhaitant devenir écrivain, elle suit des études de lettres françaises et espagnoles. C’est au Tchad, à l’âge de vingt-trois ans, qu’elle découvre sa vocation de reporter-photographe. Avec son Nikon fétiche, cadeau de son jeune frère Eric, elle apprend le métier sur le terrain, couvrant les guerres du Cambodge à l’Irak, pour photographier en noir et blanc le deuil du monde. Elle fait ses débuts au Viêt-nam pour Associated Press et poursuit sa carrière de correspondante de guerre chez Sipa-Press et Corbis-Sygma.




1970 - Dans la première partie de son autobiographie, la célèbre photographe nous raconte la découverte de sa vocation de correspondante de guerre, à l’âge de vingt-trois ans, au Tchad où elle est faite prisonnière avec son jeune frère à qui elle rend hommage tout au long du livre…
« A la mort de notre père en Alsace, Eric et moi voulions faire un grand voyage au bout du monde, pour, peut-être, ne plus revenir. » Je pris ma première photo au Tibesti en voyant deux combattants toubous tirer pied-nus à la kalachnikov contre les hélicoptères français.
Saisissant le Nikon d’Eric qui était photographe de mode, elle prend ses premières photos en noir et blanc : « Je serai correspondante de guerre et témoignerai des causes justes. »

1972
- De retour à Paris, elle décide d’apprendre son métier sur le terrain et part seule en Irlande du Nord avec un seul appareil et un objectif grand angle 28mm, cadeaux d’Eric. Sa photo « Carnaval à Belfast », diffusée par Sipa-Press fait le tour du monde (des gamins irlandais font la nique aux gamins anglais qui les fouillent).


1973
- Moonface (Visage de lune) comme la surnommeront les soldats sud-vietnamiens, s’envole à Saigon avec un billet d’aller simple. Elle travaille à 15 dollars la photo pour l’agence américaine Associated Press : ses images « Saigon entre dans l’année du buffle » et « Le départ des américains », font la une des plus grands magazines. Un matin, elle reçoit à l’hôtel Continental le seul télégramme auquel elle ne s’attendait pas : Eric s’est donné la mort à Paris.

Quelques jours après l’enterrement de son frère en Alsace, elle se coupe les cheveux à la Jeanne d’Arc et repart pour témoigner au Cambodge, le pays de l’horreur. Son deuil personnel la rendra désormais encore plus proche des victimes et des survivants.

1975
- Après la publication de la photo du bombardement apocalyptique de Phnom-Penh encerclée par les Khmers rouges, elle entre, seule femme reporter, à l’agence Sygma et continue de témoigner en noir et blanc du deuil du monde pour Paris-Match, Time, Newsweek, El Pais...


1979
- En Iran, elle photographie les cimetières des martyrs, l’entraînement secret des gardiennes de la révolution, le bain des femmes voilées dans la mer Caspienne…Grâce à son tchador, elle réussit à pénétrer dans la maison de l’imam Khomeiny. Quelques années plus tard, avec la complicité de sa veuve et de ses filles, elle sera la seule à photographier les objets personnels de l'imam le jour anniversaire de sa mort.


1982
- Au Liban, accusée d’être une espionne sioniste, elle est prise en otage par les combattants morabitun qui la font défiler, les yeux bandés, dans l’artère principale de Beyrouth-Ouest. Elle subit un interrogatoire de cinq heures devant un tribunal révolutionnaire. «On me reproche d’être une femme. Un enfant-soldat ne cesse de me menacer, revolver sur la tempe. C’est étrange de penser que je vais mourir avant tante Marcelle avec qui j’ai rendez-vous à Madrid pour fêter ses 80 ans. Je me souviens : mes errances de petite fille au Prado, les dimanches après-midi à la plaza de toros avec Oncle Louis…» Soudain on lui arrache le bandeau :

« Walid Jumblatt (le célèbre leader druze) vient d’appeler : tu es libre ! »

1984–1988
- Christine Spengler parcourra le Sahara Occidental, l’Erythrée, le Kurdistan, le Nicaragua, le Salvador…

Au cœur des guerres, elle se tient debout sous les bombardements, elle veut mourir pour rejoindre Eric en exerçant le plus beau métier du monde.

1988 - Dans la deuxième partie, celle que l’on surnomme en Orient « la combattante en noir », tombe amoureuse de Philippe W., « l’homme en blanc », sosie de son frère Eric.
Philippe redonne à Christine le goût de vivre, lui insuffle le glamour que nous lui connaissons aujourd’hui et voudrait qu’elle oublie la guerre. Elle se concentre alors sur ses photos oniriques en couleurs qu’elle réalise à chaque retour de reportage pour exorciser sa douleur. Les expositions se succèdent…

1991
– Christian Lacroix tombe amoureux de ses photo-montages, Yves Saint-Laurent lui demande de photographier son cœur fétiche pour VOGUE…

Elle publie la première partie de son autobiographie aux éditions Ramsay et expose les deux facettes de son œuvre « La guerre et le rêve » à Paris-Audiovisuel puis en Arles, à Perpignan, Madrid, Barcelone, New York…

« Pour chaque photo de deuil prise au cours de ma vie, dit-elle, je veux aujourd’hui réaliser son contrepoint dans la beauté.»
Mais la femme engagée ne peut pas oublier ses frères d’armes, « ces hommes et femmes extraordinaires qui luttent pour leur dignité sous le soleil noir de la guerre. »

1997
- Sans en parler à Philippe, son compagnon, elle retourne voilée en Afghanistan pour témoigner des atrocités commises par les talibans à l’encontre des femmes :

« Hier, à Kaboul, ils ont coupé sur la place publique les mains d’une fillette de dix ans qui portait du vernis à ongles… ! »
Ces portraits de madones afghanes sont publiés dans le monde entier, ils font partie d’une grande exposition itinérante organisée par Médecins du monde.

1999
- Elle part ensuite au Kosovo où « même les arbres étaient en deuil… ».


2003
- Lorsqu’elle décide de se rendre en Irak pour témoigner, c’est toujours aux côtés des opprimés. Voilée comme une femme irakienne, elle photographie les civils, notamment la rue « des martyrs » de Bagdad : « un vieux couple me tend en sanglotant les portraits entourés de roses de leur cinq enfants tués à la guerre. Lorsque je leur demande pardon de leur faire exhumer ces photos douloureuses, Saadia me répond :

« Sois la bienvenue, fais ton travail ! Nous voulons que le monde entier connaisse la douleur des femmes irakiennes ! »
Christine Spengler termine son autobiographie avec ces mots :
« Aujourd’hui, je suis ombre et lumière comme les arènes de mon enfance à Madrid »
Lorsqu’on lui demande si elle est prête à repartir en reportage, elle répond simplement :
« Je ferai ce que mon cœur me dictera. »

2006 – Parution des son autobiographie « Une femme dans la guerre » aux éditions des femmes.

2007 – Reçoit la distinction de Chevalier des Arts et des Lettres du Ministre de la culture Renaud Donnedieu de Vabres.

Extrait du discours du Ministre :
«Si vous avez su si bien "conter la vie", c'est d'abord parce que vous avez été capable de la voir et de la montrer au cœur même de la mort, d'apporter dans le chaos et la barbarie que vous avez explorés cette lumière qui donne sens à votre œuvre, cette lumière qui fait de vous, non seulement une journaliste, non seulement une photographe, mais aussi et avant tout une très grande artiste de notre temps.»


Extraits d'articles de presse :


« Chacune de ses phrases est pesée, ciselée, « Toute petite déjà, je voulais être écrivain », avoue-t-elle. Habilement enchâssées, ses photos célébrissimes, illustrent trente ans de conflits, du Tchad à l’Afghanistan en passant par le Cambodge. Chaque fois, Christine Spengler est parvenue à extraire l’espoir, à regarder du côté de la vie. La sienne défile aussi. Une enfance madrilène. Le suicide du frère adoré en 1973. C’est avec lui qu’elle aura la révélation : elle sera photographe du « deuil du monde » ».
Libération
Marie-Hélène Martin

« A la guerre, elle s’éloigne des premières lignes, prend son temps, ne succombe pas à la technique numérique. Ce n’est pas tant le combat qui l’intéresse que les survivants. « Je suis une photographe de guerre qui conte la vie. » Il y a beaucoup de visages, de regards dans ses images de facture classique, façonnées par sa fréquentation du Prado à Madrid. Ses photos, dit-elle, sont comme les ex-voto de sa maison, des icônes qui visent à protéger les personnages attrapés dans l’appareil, à les ramener à la vie. Elle ne fait pas de différence entre vivants et morts. »
Le Monde
Michel Guerrin

« Son nom paraît sorti d’un roman de Marguerite Duras, mais la comparaison ne s’arrête pas là. Dans les rues de Saigon désert, elle a photographié les visages des orphelins hallucinés ; dans Téhéran fanatisée, elle a vu les enfants impubères armer leurs premiers fusils. En Afghanistan, au Kurdistan, au Liban, partout où le monde était en deuil, le grand angle de Christine Spengler n’était jamais loin. Reporter de guerre elle a ainsi erré, telle une héroïne durasienne pour oublier le suicide d’un frère adoré. Elle « voulait mourir en terre étrangère », comme elle le rappelle, et puis, le temps a atténué le manque. Christine a eu envie de quitter ses vêtements de deuil et de mettre de la couleur dans ses photos. A force de côtoyer les morts, elle a redécouvert les vivants. »
Biba

« Moitié ombre, moitié lumière, ces clichés criants de vérité sont autant de chefs-d’œuvre oniriques et baroques, redonnant paradoxalement couleur à la vie. De tous les conflits depuis 1970, la correspondante de guerre a réussi l’exploit de capturer des instants de grâce, dans tous les deuils du monde. »
Le Figaro
Véronique Boulinguez

« Elle nous livre par séquences le récit d’une vie, la perte d’un frère adoré, la passion pour un métier qui lui fait oublier son corps, le froid, la peur. »
Télérama
Catherine Cabot

Quatrième de couverture :

« Son Nikon 28 mm sur les genoux, Christine Spengler file vers le seul bâtiment encore éclairé : l’Hôtel Continental de Saigon. Au dix-septième étage de l’immeuble de l’Associated Press, le grand patron de l’agence, Horst Faas, surnommé Orson Welles, ne dort jamais et vit plié en deux sur une table de négatifs, la loupe à la main. « Bonsoir, je veux aller au front demain ! », annonce Christine. La masse se redresse, examine ce visage de poupée japonaise. Le Vietnam a déjà tué cinquante-trois photographes. « Well, Baby, très facile », répond Orson Welles : « Soyez là demain matin à 5h30 »…
Jean-Paul Mari
Prix Albert Londres, 1987

Correspondante de guerre dans les agences Associated Press, Sipa et Corbis Sygma, Christine Spengler exerce ce métier depuis 1970. Ses photos sur l’Irlande du Nord, le Viêt-nam, le Cambodge, le Liban, l’Iran, le Salvador, l’Afghanistan, l’Irak… ont été publiées dans Paris-Match, Life, Time, Newsweek, El Pais… Elles font partie de la mémoire collective et figurent dans de nombreux musées.Pour exorciser la douleur des guerres, Christine Spengler réalise à chaque retour de reportage des photos d’art pour Vogue, Christian Lacroix, Yves Saint-Laurent… Elle expose ses deux facettes indissociables dans le monde entier et a reçu de nombreux prix.



Bibliographie

- Une femme dans la guerre aux éditions Ramsay, Paris 1991
- Entre la luz y la sombra (Autobiografia), El Pais Aguilar, Madrid 1999
- Christine Spengler, Les Années de guerre, éditions Marval, Paris 2003
- Vierges et toreros, éditions Marval, Paris 2003 (avec textes inédits de Christian Lacroix)
- Collection témoignages (portfolios de photos),
Eric Higgins éditeur, Paris 2005 :
Espagne mon amour (n°4)
Autoportraits (n°6)
Enfants de la guerre (n°11)
- Une femme dans la guerre, Éditions Des femmes-Antoinette Fouque, Paris avril 2006